Une histoire, art, architecture et design, des années 80 à aujourd'hui

Du 2 juil. 2014 au 11 janv. 2016
UNE HISTOIRE
« Une histoire. Art, architecture et design des années 1980 à nos jours », Plus de quatre cents uvres, des clefs de lecture sur la création la plus contemporaine.
Nouvelle présentation des collections contemporaines du Centre Pompidou, « Une histoire » permet de découvrir au musée plus de quatre cents uvres des années 1980 à nos jours, offrant pour la première fois la possibilité d'un retour sur l'art des trente dernières années. Peintures, sculptures, installations, vidéos, films, dessins, photographies, maquettes d'architecture, design : un parcours thématique offre au visiteur des clefs de lecture sur la création la plus contemporaine, avec les uvres de près de cent quatre-vingts artistes et d'une cinquantaine d'architectes et de designers représentant cinquante-cinq pays. Certaines des uvres présentées viennent dentrer dans la collection et de nombreuses autres sont montrées pour la première fois.
L'histoire de lart de ces trente dernières années s'inscrit dans le phénomène de la mondialisation, avec l'émergence, aux yeux des pays occidentaux, de nouveaux territoires artistiques aux quatre coins du globe.
1989 est une année de rupture et le début d'une nouvelle ère. La chute du mur de Berlin a entraîné la découverte de pans de lart en partie dissimulés derrière le rideau de fer, tandis que de jeunes générations de l'ère postcommuniste se sont mises à bourgeonner.
Les manifestations de la place Tiananmen ont attiré le regard vers une nouvelle Chine dont la création a fait irruption sur la scène artistique internationale. Des centaines d'événements consacrés à l'art contemporain se sont développés pour rendre compte de ces scènes émergentes, au-delà de la scène occidentale et notamment anglo-saxonne. Dans les années 1990 et 2000 sont apparues des biennales qui ont pris place dans l'agenda artistique international, comme celles de Sharjah aux Émirats arabes unis (1993), Gwangju en Corée (1995), Manifesta en Europe (1996), Berlin (1998) ou encore Moscou (2003) pour n'en citer que quelques-unes. Un véritable tournant décolonial et multiculturel a profondément modifié l'approche muséale de l'art. Le Centre Pompidou a accordé une attention particulière et, dans certains cas, renouvelée à ces scènes émergentes, ce que traduit cet accrochage, et notamment aux pays de lancienne Europe de lEst, à la Chine, au Liban et à plusieurs scènes du Moyen-Orient, à la Turquie, lInde, lAfrique du Sud, au Mexique et au Brésil.
Le milieu de l'art lui-même a connu des changements majeurs. Le nombre d'artistes, de galeries et de commissaires d'expositions a crû de manière exponentielle, tandis que l'art devenait l'objet d'une nouvelle « consommation » culturelle. Le marché de l'art contemporain, malgré la récession de 1990, n'a cessé de se consolider. En son sein, les artistes américains et chinois y dominent, malgré la brèche ouverte par les discours postcoloniaux. Consécutive à l'explosion du marché, la médiatisation de l'art a contribué à démocratiser l'art contemporain tout en l'exposant au spectaculaire.
Enfin, de nombreuses fondations et initiatives privées ont également vu le jour et pris leur place dans ce monde de l'art, nouveau et mondialisé, contribuant ainsi à sa reformulation.
Sur le plan artistique, l'avènement des réalités virtuelles, d'Internet et du « numérique » a constitué un tournant : il a notamment rendu caduque la définition d'une photographie « révélée » par la lumière ou l'autonomie de certains médias comme le film ou la vidéo. Le son est devenu un matériau à part entière des installations.
Les artistes ont mis à profit les évolutions technologiques leur permettant de programmer sur ordinateur, en lien avec limage. L'exposition elle-même considérée par certains artistes comme un média en soi, a pu être programmée comme une « boucle » temporelle, si l'on songe aux travaux de Philippe Parreno ou d'Anri Sala.
Enfin, la pratique de la performance a connu un regain d'intérêt notable, avec des développements vers la danse, le théâtre ou le texte parlé. Quant à l'histoire de l'art, elle aussi a été l'objet de nombreux débats, alors que d'aucuns de Francis Fukuyama à Arthur Danto annonçaient la fin de l'histoire ou l'entrée dans une ère posthistorique.
De nouvelles approches ont proposé une histoire non linéaire, horizontale plutôt que verticale, incluant des micro-récits locaux et ouvrant un champ de recherche considérable. Les questions d'identités ont également été au centre de débats, souvent initiés par les artistes afro-américains, nombreux à estimer être aujourdhui dans l'ère du « post-black art ».
Dans cette effervescence mondialisée, les artistes ont réagi au phénomène de la globalisation et à ces nouvelles réalités avec un regard souvent critique, réinventant leurs pratiques en fonction des soubresauts d'un monde en transformation, où de nombreuses questions politiques et sociales se sont fait jour. Cette nouvelle présentation des collections contemporaines « Une histoire » propose une lecture de l'art inspirée par la manière même dont les artistes se sont positionnés au regard de ces profonds changements.
Beaucoup d'entre eux ont d'ailleurs réinventé leurs pratiques en repensant jusqu'à leurs « formes de vie » et leur posture en tant qu'artiste, explorant les sciences humaines ou la littérature. Les années 1990 ont ainsi vu l'émergence de nouvelles figures de l'artiste : producteur, historien, archiviste ou documentariste, en réaction aux bouleversements sociopolitiques contemporains. Ces évolutions s'accompagnent d'une relecture de l'histoire de l'art, moins centrée sur l'ancienne vision occidentale et plus ouverte. Si une partie d'entre eux continue à revisiter la modernité, non sans nostalgie, à opérer des réactivations d'uvres ou à perpétuer l'art de la citation cher aux années 1980, d'autres se sont plutôt immergés dans de nouvelles virtualités, instaurant de nouveaux modes participatifs. Le rapport au corps a également conduit à de nombreuses inventions plastiques, tandis que beaucoup se sont identifiés au narrateur ou à l'autobiographe, instaurant des fictions tournant autour de l'intime. Le réel et l'objet du quotidien ont été les sources de nombreuses sculptures et installations, « repoétisant » le banal, réarticulant les sphères publiques et privées soumises elles-mêmes à de profonds bouleversements sociologiques.
Certaines figures ont également ouvert des voies, tel un Steven Parrino pour une nouvelle peinture radicale et subversive, tel un Thomas Hirschhorn pour une nouvelle sculpture « précaire ».
Par Christine Macel, Commissaire, conservatrice, chef du service Création contemporaine et prospective; Musée national d'art moderne
Entretien avec Bernard Blistène, directeur du musée national d'art moderne
Nouvellement arrivé à la tête du musée, quel est votre premier constat ?
Bernard Blistène L'ampleur de la collection et son extraordinaire développement ! Riche de plus de cent mille uvres, elle est la plus importante en Europe et, sans doute, l'une des deux plus essentielles au monde avec celle du MoMA de New York.
C'est à la fois une responsabilité et une possibilité considérables. C'est aussi le fruit de l'engagement de toutes celles et ceux, conservateurs, artistes, donateurs, sociétés d'Amis et complices de l'établissement qui contribuent, avec les pouvoirs publics, à son enrichissement constant. Alfred Pacquement, à qui je veux rendre hommage, appelait joliment cela « Fruits de la passion ». Pareille collection est un outil irremplaçable pour offrir aux différents publics les clés de la compréhension de l'art moderne et contemporain. Sa diversité permet une approche pédagogique de la création et donne la possibilité de renouveler les accrochages de façon toujours plus dynamique. L'équipe de conservation le fera au fil d'incises multiples et de focus dans le parcours des collections permanentes, mais aussi de différents espaces que nous travaillons à remodeler.
Après ce nouvel accrochage des collections contemporaines, quelle sera la prochaine présentation des collections ?
BB Nous travaillons à réinscrire la collection au cur des multiples lieux de présentation qu'offre l'établissement. Je crois indispensable d'atténuer la distinction souvent trop marquée entre expositions temporaires et collections permanentes. Après la présentation des collections modernes (de 1905 à 1970) « Modernités plurielles » qui se terminera en janvier 2015 et en contrepoint d'« Une histoire. Art, architecture et design des années 1980 à nos jours », nous préparons un nouvel accrochage moderne sur un mode chronologique. Je suis attaché aux repères qui permettent de comprendre une uvre ou un mouvement dans un temps et une géographie donnés.
Et l'idée de la mondialisation ?
BB La présence de Catherine David, nouvellement arrivée au sein du musée à mes côtés, est le gage d'une réflexion exigeante sur ce sujet. Le Centre Pompidou est désormais pleinement engagé dans la construction d'une collection globale. Beaucoup de travail a été accompli en ce sens, et ce dans tous les domaines de la création. Mais je tiens à proposer l'approche la plus précise possible des uvres et de leur contexte.
L'exigence de modernité ne doit pas conduire au brouillage des repères nécessaires à la compréhension de la création par le public le plus large.
Le Centre Pompidou rend hommage, ces prochains mois, à l'exposition « Magiciens de la terre ». 1989, une date clé ?
BB « Magiciens de la terre » est en effet une manifestation cruciale dans l'histoire des expositions, un sujet qui me passionne. Elle a fait date et représente, vingt-cinq ans après sa réalisation, une plateforme de réflexion toujours aussi pertinente. Les archives de tous ordres qui seront exposées, le colloque comme l'université d'été et la publication constituent une méthode d'analyse et de débats que seul un établissement de l'ampleur du Centre Pompidou est à même de proposer. 1989 est aussi un seuil historique que met en exergue l'accrochage « Une histoire » qui ouvrira au public le 2 juillet prochain.
Vous rappelez souvent que le musée trouve toute sa force d'être au cur du Centre Pompidou ?
BB Le Centre Pompidou est un lieu pluridisciplinaire unique. Le musée national d'art moderne s'inscrit au cur d'un établissement irremplaçable, conjuguant réflexion sur l'histoire moderne et prospection contemporaine. Il m'appartient de conduire le musée en pleine osmose avec les autres composantes du Centre Pompidou et de contribuer ainsi pleinement à sa stratégie globale.
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