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L'exposition, inédite par son ampleur et sa sélection, que le Centre Pompidou consacre à l'œuvre d'Anselm Kiefer propose une traversée rétrospective du parcours prolifique du célèbre artiste allemand, de la fin des années 1960 à nos jours.
Une soixantaine de peintures, en provenance d'importantes collections privées et publiques dans le monde, réunies pour la première fois, dialoguent avec des installations, des vitrines, des ouvrages qui composent une exposition conçue comme une suite de moments thématiques dans la carrière de l'artiste, avec toute sa complicité.
Né en mars 1945, Kiefer participe avec Georg Baselitz, Gerhard Richter, Sigmar Polke ou encore Jorg Immendorff du renouveau de la peinture allemande des années 1970, qui émerge dans un contexte international marqué par le néo-expressionnisme. L'œuvre d'Anselm Kiefer apparaît très vite comme singulière, par son obsession à traiter de l'Histoire et des mythes propres à la culture germanique. La plongée dans le passé et la mémoire sont sa stratégie pour répondre à la question qui taraude cette génération d'artistes : comment faire œuvre après Hitler, répondant à la célèbre injonction de Theodor W. Adorno : « Toute culture consécutive à Auschwitz y compris sa critique urgente n'est qu'un tas d'ordures. » En 1984, en se rendant en Israël pour une exposition, Kiefer prend conscience avec une nouvelle acuité de la perte, du deuil de la culture yiddish au sein même de la culture germanique du fait de la mise en œuvre de la « solution finale ».
Il étudie la philosophie du Talmud, les textes de la Cabbale, notamment au travers des écrits de Gershom Scholem et d'Isaac Louria. L'artiste s'inspire alors de concepts aussi complexes que le Tsimtsoum (retrait) ou Chevirat ha-kelim (brisure des vases). Anselm Kiefer commence à élaborer une œuvre qui s'écarte de la figuration occidentale traditionnelle pour se situer dans le champ d'une symbolique ou d'une « présence ».
Anselm Kiefer cite très souvent dans ses compositions le polyèdre présent dans la célèbre gravure d'Albrecht Dürer, Melencolia (1514). La mélancolie kieferienne ne se situe pas tant dans le registre de la géométrie que dans celui du deuil : le deuil d'une culture entachée par l'instrumentalisation qu'en a donné le totalitarisme, le deuil d'une culture juive auquel vient s'ajouter une méditation sur la ruine comme principe de création. Cette question, que Kiefer inscrit dans notre présent collectif au travers de référents architectoniques mais aussi de la matière de ses œuvres (le plomb, la cendre), fait figure d'allégorie de la propre vanité de l'homme en général et de l'artiste en particulier.